Lettre ouverte à Madame Élisabeth BORNE
Madame la Première ministre,
Il y a quelques semaines, les Pays-Bas ont pris une décision historique : plafonner le trafic de l’aéroport d’Amsterdam-Schiphol à 440 000 mouvements par an, en dessous du niveau de 2019, pour protéger les riverains exposés à des niveaux de bruit élevés délétères pour leur santé. Cette résolution va dans le sens des directives et règlements européens sur la réduction des pollutions sonores et chimiques autour des aéroports (1), et des émissions de gaz à effet de serre de l’aviation.
Un «nouvel équilibre» est nécessaire entre «l’importance d’un bon aéroport international, d’un bon climat d’affaires et l’importance d’un environnement de vie meilleur et plus sain», a déclaré le ministre néerlandais Mark Harbers. Dans une lettre au Parlement, le gouvernement néerlandais affirme qu’«avec ce nombre de vols, Schiphol peut maintenir son réseau international de destinations».
Sachant que l’aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle connaît un trafic similaire à celui de Schiphol (500 000 mouvements par an environ en 2019), nous demandons que, à l’exemple de Schiphol, le trafic à Roissy soit plafonné à 440 000 mouvements par an. Ce plafonnement doit être associé à d’autres mesures préconisées depuis des années par les associations : couvre-feu nocturne, procédures opérationnelles de moindre bruit, suppression des avions les plus bruyants…
Aujourd’hui, 1,4 million de Franciliens sont exposés à un niveau de bruit dépassant les valeurs-guide de l’OMS, et jusqu’à trois années de vie en bonne santé sont perdues sous les couloirs aériens de Roissy. Le grave impact sanitaire du bruit aérien est désormais démontré par une étude scientifique conduite à l’échelle nationale. L’État ne peut cautionner une telle situation et doit agir pour préserver la santé des Franciliens.
Un plafonnement à 440000 mouvements par an à Roissy serait également une étape importante dans la lutte contre le changement climatique, qui a durement frappé la France cet été. En effet, Roissy pèse lourdement dans le bilan carbone de notre pays: près de 4% de nos émissions de CO2! Et beaucoup plus si on intègre – comme nous devrions le faire – l’effet sur le climat des traînées de condensation et des oxydes d’azote émis en altitude. Comme le souligne le nouveau rapport du Haut Conseil pour le climat, «le secteur aérien doit engager sa décarbonation par la maîtrise de la demande» car les progrès technologiques et les carburants alternatifs ne suffiront pas dans les délais requis. C’est aussi ce que démontrent plusieurs études récentes (ici ou ici) réalisées par des acteurs du secteur aérien.
Pour respecter les objectifs climat de l’accord de Paris et contribuer aux efforts de sobriété, une réduction progressive du trafic aérien à l’échelle nationale (et internationale) est indispensable – réduction qui doit s’accompagner de mesures d’équité sociale et de préservation de l’emploi. Un plafonnement et une trajectoire de diminution des émissions de gaz à effet de serre par aéroport sont également nécessaires, car limiter uniquement le nombre de vols ne serait pas à même d’empêcher l’accroissement des émissions induites par une augmentation de la taille des avions et des distances parcourues.
Nos associations sont à votre disposition pour engager des discussions avec les acteurs de la plateforme de Roissy afin de mettre en place cette première mesure nécessaire pour préserver la santé des riverains mais aussi le climat, alors que le président de la République, M. Emmanuel Macron, a annoncé vouloir faire de la France «une grande nation écologique».
Nous vous prions de croire, Madame la Première ministre, en l'expression de notre respectueuse considération.
Associations signataires:
ADVOCNAR (Roissy), collectif Non au T4 (Roissy), France Nature Environnement Ile-de-France, Greenpeace, Réseau action climat, Notre affaire à tous, Alternatiba, ANV-COP21, les Amis de la Terre, UFCNA, Rester sur Terre (Stay Grounded), France Nature Environnement Seine-et-Marne, les Amis de la Terre Val-d’Oise, collectif Santé Nuisances aériennes, Val-d’Oise Environnement, DIRAP (Pontoise-Cormeilles-Roissy), ONASA (Roissy), MNLE 93 et Nord-Est parisien, CIRENA (Roissy), AREC (Roissy), SOS Vallée de Montmorency, CPTG, ADERA (Beauvais-Tillé), Alerte nuisances aériennes (Orly), DRAPO (Orly), OYE 349 (Orly), CORIAS (Lyon-Saint-Exupéry), NADA (Lille-Lesquin), ADRA (Bâle-Mulhouse), CCNAAT (Toulouse-Blagnac), Alternatiba Rennes, collectif Stop extension aéroport de Marseille, Halte hélico, SEVE (Orly), Atecopol, collectif Pensons l’aéronautique pour demain, collectif de salariés de l’aéronautique ICARE, coordination CGT de l’aéronautique.
Vendredi 1er juillet,
Face aux plaintes des riverains, les Pays-Bas ont annoncé ce 24 juin leur projet de limiter le trafic de l’aéroport Amsterdam-Schiphol à un maximum de 440.000 vols par an à partir de novembre 2023, contre une capacité de 500 000 atteinte avant la pandémie de Covid-19.
L’objectif du gouvernement néerlandais est de réduire à la fois la pollution sonore, la pollution atmosphérique et les émissions de CO2 afin de protéger la santé des habitants et le climat.
Dans une lettre au Parlement, le gouvernement affirme qu’ « avec ce nombre de vols, Schiphol peut maintenir son réseau international de destinations ». Un « nouvel équilibre » est nécessaire entre « l’importance d’un bon aéroport international, d’un bon climat d’affaires et l’importance d’un environnement de vie meilleur et plus sain », a déclaré le ministre Mark Harbers.
Les associations de défense de l’environnement et des riverains autour de l’aéroport de Roissy-Charles de Gaulle se réjouissent de cette décision responsable, bénéfique pour les populations survolées de la région d’Amsterdam ainsi que pour le climat.
Cette démarche va totalement dans le sens des directives et règlements européens sur la réduction des pollutions sonores et chimiques autour des aéroports[1], et des émissions de gaz à effet de serre de l’aviation[2].
Ce qui est possible à Amsterdam-Schiphol est aussi possible à Roissy-Charles de Gaulle !
L’aéroport international français avait accueilli en 2019 environ 500 000 mouvements d’avions, l’équivalent de Schiphol. Nous demandons qu’une décision politique soit prise pour que le trafic y soit limité à 440 000 vols par an à court terme, puis que soit amorcée une diminution du nombre de mouvements afin de protéger la santé des Franciliens.
La réduction du nombre de vols à Roissy et sur toutes les plateformes est également une des mesures vraiment efficaces et incontournables[3] pour permettre au secteur aérien de faire décroître ses émissions de CO2 afin de respecter la courbe de réduction des émissions fixée dans le cadre de la Stratégie Nationale Bas Carbone de la France.
Contacts presse
ADVOCNAR : Françoise Brochot - francoise.brochot@orange.fr - 06 79 51 25 60
Collectif NON AU T4 : Audrey Boehly - audreyboehly@gmail.com - 06 77 81 49 40
Notre affaire à tous : Céline Le Phat Vinh - celine.lephatvinh@notreaffaireatous.org – 06 88 58 94 73
[1] Directive 2002/49 CE “Bruit dans l’environnement” - Règlement (UE) 598/2014 “Bruit aéroports” - Directive 2008/50 CE “Qualité de l’air” [2] Règlement (UE) 2021/1119 “Neutralité climatique” [3] Les progrès technologiques ne suffiront pas comme le démontrent plusieurs études émanant du secteur aérien : Pouvoir voler en 2050 - Supaéro Décarbo - 2021; Référentiel aviation climat - ISAE SUPAERO - 2021.
Le Conseil d’Etat donne raison aux associations :
La DTA (Direction du Transport Aérien) ne peut pas être l’autorité compétente indépendante pour la gestion du bruit autour des grands aéroports !
Le 12 juillet 2021, 18 associations et collectifs avaient saisi le Président de la République et le Premier Ministre d’une demande d’application du règlement UE 598/2014, qui fixe les règles et procédures concernant la réduction du bruit des grands aéroports. Ce règlement impose aux États membres :
De désigner une ou plusieurs autorités compétentes chargées de la procédure à suivre lors de l’adoption des restrictions d’exploitation. Ces autorités compétentes doivent être indépendantes de toute organisation qui intervient dans l’exploitation de l’aéroport, le transport aérien ou la fourniture de services de navigation aérienne, ou qui représente les intérêts de ces branches d’activités ainsi que ceux des riverains de l’aéroport.
De réaliser, ou de faire réaliser, une étude d’approche équilibrée pour chacun des aéroports où sont opérés plus de 50 000 mouvements d’aéronefs de plus de 34 tonnes par an[1], dès lors qu’un problème de bruit a été identifié, ou qu’une nouvelle restriction d’exploitation est envisagée. Cette étude permet de retenir plusieurs mesures ou combinaisons de mesures pour réduire le bruit autour des aéroports.
En désignant la DTA (Direction du Transport Aérien – service de la DGAC) et sa sous-direction du développement durable comme autorité compétente, l’Etat français ne respecte pas la règle d’indépendance.
C’est ce que confirme le Conseil d’Etat dans son arrêt rendu le 5 avril 2022.
Ce dernier enjoint au Premier ministre de prendre les dispositions réglementaires nécessaires en vue de la désignation d’une autorité bénéficiant des garanties d’indépendance requises par les dispositions de l’article 3 du règlement (UE) n° 598/2014, dans un délai de six mois à compter de la notification de la décision.
C’est une belle victoire pour les associations et pour les riverains qu’elles représentent !
En effet les associations ne peuvent imaginer que le Premier ministre désigne une nouvelle branche de la DGAC, cette administration ayant un destin et un financement très largement liés avec le volume du trafic aérien.
Avec une autorité compétente indépendante, elles peuvent espérer que les futures études d’approche équilibrée déboucheront sur des restrictions d’exploitation réduisant vraiment le bruit autour des grands aéroports : limitation stricte du nombre de mouvements, de jour comme de nuit, mise en place de couvre-feux, interdiction de certaines catégories d’avions bruyants.
Cette démarche reste à réaliser pour 6 aéroports sur les 9 concernés : Bordeaux-Mérignac, Marseille-Provence, Nice-Côte d’Azur, Paris-Charles-de-Gaulle, Paris-Orly, Toulouse-Blagnac.
Contacts presse :
Maître Louis COFFLARD (Avocat des requérants) : 06 07 23 84 72
Chantal BEER-DEMANDER (Présidente de l’UFCNA) : 06 25 43 22 33
[1] En France, 9 aéroports sont concernés de façon obligatoire : Bâle-Mulhouse, Bordeaux-Mérignac, Lyon-St-Exupéry, Marseille-Provence, Nantes-Atlantique, Nice-Côte d’Azur, Paris-Charles-de-Gaulle, Paris-Orly, Toulouse-Blagnac.